Étude des choix de carrière selon le genre - le bilan

Tentons de comprendre les raisons des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes.

Étude des choix de carrière selon le genre - le bilan

À une époque où la parole féminine s’est libérée, il est intéressant de prendre du recul et d’observer si l’égalité est réellement atteinte.

Dans cet article, nous nous pencherons sur les choix de carrière selon le genre, en nous demandant si les hommes et les femmes s’orientent de la même façon ou non. Enfin, point capital, nous essayerons de comprendre les raisons des potentielles inégalités.

C’est une chose de constater, c’en est une autre d’expliquer.

Orientation

On retrouve de grandes inégalités au niveau des secteurs d’activités : les femmes s’orientent plus vers le secteur humanitaire quand les hommes s’emploient davantage à des activités physiques ou bureaucratiques.

Ainsi, dans le service à la personne et à la collectivité, 24,9% des femmes sont engagées contre 3,3% d’hommes. Dans la même optique, 5,1% des actifs féminines s’orientent du côté de la santé contre 0,7% chez les hommes. Une différence encore plus importante se fait observer du côté de l’aide à l’entreprise (secrétariat, notamment), avec 15,1% de femmes contre 2,1% chez leurs homologues masculins. Au contraire, si l’on regarde le secteur du BTP et de l’industrie, on trouvera plus de 7 hommes sur 10.

Les inégalités se font également ressentir au niveau des formations :

  • Les trois plus suivies par les femmes sont respectivement : la santé (5,7%), les services et commerces de proximité (5,7%), et les secteurs de l’action sociale (4,9%).
  • Les trois plus suivies par les hommes sont respectivement : les transports (14,7%), la manutention (8,5%), la prévention et la sécurité (3,7%).

Ces orientations différentes s’observent avant l’emploi, parfois dès les études secondaires où il est connu de tous que les femmes jettent leur dévolu sur des matières littéraires et les hommes sur des spécialités scientifiques, bien que cela ait tendance à évoluer.

Quelques exemples de parcours particulièrement genrés :

  • 70,6% des étudiants dans les filières de Lettres et de Sciences humaines sont des femmes contre 29,6% dans les études d’ingénierie.
  • 84,3% des étudiants en formations paramédicales et sociales sont des femmes.
  • 79,1% des DUT ou BUT sont masculins.

Vous l’aurez compris, les hommes et les femmes optent pour des parcours parfois radicalement opposés. Reste à comprendre pourquoi.

Comprendre les raisons des différences

Nous l’avons démontré en long et en large, les hommes et les femmes sont, professionnellement parlant, très différents. Cela étant dit, il est maintenant intéressant de se poser la question du pourquoi. Pressions différentes ? Aspirations distinctes ? Socialisation vers des milieux pré-définis ?

Nous allons tenter d’apporter des éléments de réponse :

  • Les stéréotypes de genre qui mettent en parallèle les normes culturelles et les attentes sociales. Les hommes sont vus comme plus physiques, et leur sont alors assignés dans l’esprit commun des métiers du bâtiment. Les femmes, qui soignaient les malades pendant la guerre, sont parfois poussées par les grands-parents à devenir infirmières ou aides soignantes.

→ Il y a donc bien une socialisation préalable qui a lieu dès l’enfance. Plus ou moins consciente, elle a incontestablement un impact sur les carrières.

  • Les discriminations. Dans la même lignée que les stéréotypes, les discriminations et les préjugés ferment historiquement des portes aux femmes, ce qui a pour conséquence de restreindre leurs opportunités. Enfin, des inégalités persistent à l’embauche aussi. Beaucoup confient encore à demi-mots privilégier le recrutement d’hommes, jugés plus dynamiques.
  • Les attentes familiales. Dans notre société occidentale, cela a (heureusement) tendance à disparaître, mais beaucoup de cultures “estiment” que la place des femmes est à la maison, près des enfants. Par ailleurs, certaines femmes font d’elles-mêmes passer leur vie familiale avant leur carrière professionnelle, se sentant davantage concernées dans l’éducation de leurs enfants que leurs homonymes masculins, et se tournant de ce fait vers des professions offrant des emplois du temps perméables, mais donc souvent moins glorifiants et moins bien rémunérés.
  • Les inégalités salariales. Du fait de leur rémunération encore aujourd’hui inférieure à poste égal, les femmes ne verraient pas l’intérêt de travailler beaucoup, si c’est pour gagner moins.
  • Les différences biologiques et physiologiques. Nous avons d’un côté les métiers physiques, vers lesquels les hommes sont “naturellement” orientés, et d’un autre la question de la grossesse.
  • La question de l’accessibilité. Tout le monde sait que certaines catégories professionnelles ont longtemps été genrées, presque interdites aux femmes. Bien que les mentalités évoluent, certaines barrières continuent à perdurer.
  • Des mentalités encore imparfaites. Encore une fois, les inégalités se réduisent un peu plus chaque année. Pourtant, force est de constater que certains conservent leurs préjugés, ce qui affecte forcément la répartition des professions.
  • Des environnements de travail non adaptés. Certains secteurs sont tout bonnement de proportion tellement différente que les femmes souhaitent les éviter. Un milieu, ou une entreprise, où travailleraient 70 hommes pour 3 femmes peut restreindre fortement les chances de nouvelles recrues, qui verraient d’un mauvais oeil de n’être entourées pratiquement que de figures masculines, ce qui constitue un cercle vicieux.

Posons-nous une derrière question. En ce qui concerne les emplois à hautes responsabilités, on entend souvent que les PDG rechignent à confier ces missions à des femmes en raison de leur probable congé maternité, et donc de leur absence prolongée. Mais est-ce réellement fondé que les femmes seraient plus souvent absentes ?

→ Les congés maternité durent 16 semaines contre 25 jours pour les congés paternités, mais ce n’est pas la seule absence. Après recherches, il est vrai que les femmes sont plus touchées par l’absentéisme. Ainsi, 48% d’entre elles ont bénéficié d’une prescription d’arrêt de travail en 2024, pour 37% chez les hommes, et l’écart se creuse de plus en plus. En outre, les arrêts de travail supérieurs à 90 jours augmentent également. Toutefois, l’absentéisme plus important ne constitue en aucun cas un motif de non-recrutement.

Exemple d’Hedy Lamarr

Pour finir cette petite trilogie sur les inégalités professionnelles, parlons du cas d’Hedy Lamarr, un exemple parmi tant d’autres d’invisibilisation des femmes.

Hedy Lamarr est actrice, mais aussi scientifique. Le 10 juin 1941, en pleine Guerre mondiale, elle dépose avec Georges Antheil un brevet “Système de communication secrète”. Le but était de protéger ses communications.

Pourtant, ce n’est qu’au bout de plus de 50 ans, en 1997, qu’elle est reconnue pour son brevet et remporte des prix. Durant plus de 5 décennies, ce n’est pas son génie scientifique qui fut mis en avant, mais sa beauté. Elle était ainsi qualifiée de “plus belle femme du monde” et enfermée dans des relations où elle n’était réduite qu’à cela. Ce n’était jamais ses capacités intellectuelles qui préoccupaient ceux qui la côtoyaient.

Il s’agit d’un des nombreux exemples de l’effet Matilda. Théorisé par Margaret W. Rossiter en réponse à “l’effet Matthieu” du sociologue Robert K. Merton qui affirmait que les chefs bénéficient d’une reconnaissance disproportionnée par rapport à leur réelle contribution; l’effet Matilda correspond au contraire à l’invisibilisation des femmes scientifiques dont les découvertes sont minimisées et souvent réduites à celles de leur époux ou tuteur. Celles-ci sont malheureusement très nombreuses : on peut penser à Lise Meitner qui a co-découvert la fission nucléaire mais n’a pas été récompensée, Rosalind Franklin qui s’est faite voler sa structure en double hélice de l’ADN par Watson et Crick qui ont eu le prix Nobel de 1962, Jocelyn Bell qui s’est faite voler sa découverte du premier pulsar par son directeur de thèse qui a ensuite obtenu le prix Nobel pour ça. Même Marie Curie, l’une des plus grandes scientifiques, a eu des difficultés pour se faire reconnaître et a souvent été mise en retrait par rapport à Pierre Curie.

→ Voilà un dernier exemple des inégalités genrées, à l’échelle cette fois-ci historique. Les phénomènes d’invisibilisation des femmes et de sur-reconnaissance des hommes ont tellement eu lieu qu’ils ont même été théorisés. Ce n’est que depuis 1946 que les hommes et les femmes ont les mêmes droits, mais nous avons vu que des inégalités persistent, bien qu’elles s’amenuisent.

En bref : Les raisons de la différence de métiers entre les hommes et les femmes dépendent de facteurs culturels, économiques, sociaux et biologiques. Les avancées pour plus d’égalité évoluent positivement, mais des obstacles persistent, notamment chez les générations les plus âgées. Il est bon de se féliciter des changements grandissants, tout en persistant à poursuivre l’effort. Si nous continuons sur cette lancée, l’égalité professionnelle devrait être atteinte d’ici 2070.